Rencontre avec Dave McCaughan : ce que les marques occidentales peuvent apprendre de l’Asie-Pacifique

Managing Editor
Rethink Retail

mai 05, 2020

Pour mieux comprendre notre situation, la rédactrice en chef de RETHINK Retail, Julia Raymond, s’est entretenue avec Dave McCaughan, stratège marketing de l’Asie-Pacifique, à propos de la vie à Bangkok pendant le COVID-19 et ses prévisions pour le retail en Occident.

Julia Raymond:

En ce qui concerne le monde occidental et les régions plus développées d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord, pensez-vous que le retail pourra ré-ouvrir d’ici les six prochains mois ?

Dave McCaughan:

Comme partout ailleurs, je pense que la grande distribution a évidemment dû s’adapter. Mais la vente en ligne quant à elle a aussi évolué, sur certains points. Certaines catégories de produits se portent vraiment bien. Qui aurait imaginé qu’il y aurait un boom dans la vente de cosmétiques ? Regardez leurs ventes en ligne dans un pays comme la Chine, au cours du premier mois de confinement, elles ont explosé.

Alors on se demande, mais comment est-ce possible ? Ces gens sont enfermés, ils savent qu'ils vont être enfermés pendant des semaines et des semaines, et on ne parle même pas ici de produits thérapeutiques pour la peau. On parle de cosmétiques, de maquillage. Comment expliquer cela ?

Asian woman looking at herself in mirror

Il faut savoir que pour beaucoup de personnes en Chine et à travers l'Asie, le vlog et le streaming en direct sont courants. La pratique était déjà plus importante en Chine que sur les marchés occidentaux avant que tout cela ne commence, et bien sûr, cela vient d’exploser.

Mais en même temps, c’est vrai dans d’autres pays et pour beaucoup d’autres personnes dans le monde : "C'est comme ça que je vais me présenter." Comme vous le savez, il y a des tonnes et des tonnes de nouvelles vidéos sur YouTube avec du contenu sur la façon de se présenter sur Zoom. Quel éclairage utiliser ? Où installer la caméra ? Comment faut-il se maquiller ? Etc.

C’est là que l’on observe des situations inhabituelles dans le commerce de détail, lorsque « De quoi vais-je avoir l’air » devient important. Cela dit, bien entendu, une grande partie du retail est fermé. Les boutiques physiques sont fermées. Les ventes se sont déplacées vers Amazon ou Lazada qui est le grand site de e-commerce dans certaines parties de l'Asie du Sud-Est en particulier.

Ces sites sont en plein essor. De toute évidence, la période est tumultueuse pour de nombreuses entreprises qui essaient de s’implanter en ligne, d’y aller, mais [cela] est très difficile pour elles de s’y retrouver. Pensez-y, pour beaucoup d'entreprises qui ne se sont pas vraiment préoccupées de leur présence en ligne, il est très difficile de comprendre comment le faire concrètement, et quelle stratégie marketing adopter, entre autres.

Et ce n'est pas comme s'il n'y avait pas déjà beaucoup d'entreprises qui avaient l'habitude d'utiliser Amazon et Lazada et tous ces autres sites e-commerce. Pour beaucoup d'entreprises, cela a toujours été : "Nous le faisons, mais sans vraiment le prendre au sérieux." Maintenant, c'est "Comment allons-nous nous en occuper sérieusement alors que ces 10 autres sociétés s’en occupent déjà sérieusement - comment percer ? »

Quant à la réouverture des boutiques, je ne m’engagerais pas sur une date, mais ce ne sera pas la semaine prochaine, c’est sûr.

Je pense qu'en général, en termes de marchandises du quotidien et autres, nous sommes loin de la réouverture pour la plupart des marchés. C'est certainement, dans la plupart des pays, des mois qu’il faut compter avant que nous voyons les centres commerciaux rouvrir.

Business men in an empty officeJulia Raymond:

Pensez-vous que le business changera fondamentalement sur le long terme ? Les gens seront-ils habitués à un certain niveau non seulement de service mais aussi d’hygiène ?

Dave McCaughan:

Je reviens toujours à la période où je vivais à Hong Kong lors du SRAS. Il y a eu une période d'environ huit à dix jours où Hong Kong a littéralement fermé ses portes. Nous travaillions tous de chez nous, respectant la distanciation sociale, personne n'était autorisé à se rendre dans les bureaux et tout était fermé.

Environ deux ou trois mois après le SRAS, tout était revenu à la normale. Les ventes de produits de nettoyage sont revenues à la normale. Chaque ascenseur pendant environ un mois après le SRAS avait un distributeur de solution hydro-alcoolique à l’entrée, puis tout cela a disparu après quelques mois.

Julia Raymond:

C’est très intéressant.

Dave McCaughan:

Mais c’est différent.

Julia Raymond:

Pourquoi pensez-vous que c’est différent aujourd’hui ?

Dave McCaughan:

La durée dans le temps. A l’époque, c'était une anomalie vraiment gênante, et nous avons eu une période qui a duré des mois avant que tout ne soit terminé, mais il n'y a eu que quelques semaines vraiment difficiles. Pendant peut être deux semaines, ça empirait de plus en plus et les gens devenaient de plus en plus inquiets, puis il y a eu la semaine où la ville s’est confinée. Mais après un mois, les choses étaient à peu près de retour à la normale.

Julia Raymond:

Alors c'était juste trois semaines de folie ?

Dave McCaughan:

Oui, mais il y avait pas mal de différences. Les gens à Hong Kong ont pu gérer la situation. Un environnement tendu, mais les gens ont pu y faire face. La densité de la crise la rendait dangereuse, mais cela signifiait également que le gouvernement et tout l’écosystème pouvaient faire bouger les choses. Soit dit en passant, il n’y avait pas autant d’agitation sociale qu’aujourd’hui.

C’était terrible à l’époque, c’était très tendu, mais c’est passé. Et si vous m’aviez posé la question il y a six mois, j’aurais répondu « Le SRAS? C'était une période assez intéressante".

Mais c'est très différent aujourd’hui. Le monde entier est en confinement. Pour des semaines et des semaines. Vos enfants ne manquent pas une semaine d'école, vos enfants manquent un trimestre entier d’école.

Aujourd’hui, en fonction du pays, concernant l’éducation, le système éducatif est redéfini pour pouvoir s’adapter un peu mieux. Et pour le travail : on travaille de chez soi. Travailler à domicile en 2002 impliquait beaucoup d’appels téléphoniques et un peu plus de courriels, nous n’avions pas Zoom et ce genre de choses.

Maintenant, nous avons un tas d’entreprises tous secteurs confondus qui essaient de s’adapter. Il y a peut-être des réductions d’effectifs et d’heures de travail, mais nous apprenons beaucoup de choses sur la façon de travailler à distance, et nous ferons ce saut que nous prédisons depuis cent ans : vers plus de télétravail.

L’adoption des technologies… pour communiquer a évidemment explosé. Si vous pensez à des secteurs comme ceux des conférences, des voyages d'affaires, se rétabliront-ils complètement ? La réponse est non.

webimage-DC268BA0-ED63-446E-80D6099F8794AE43.jpgJulia Raymond:

Pensez-vous que c'est une tendance à court terme, sur les trois prochaines années, pendant lesquelles les gens seront plus prudents, ou que cela deviendra la norme de faire plus de conférences virtuelles ?

Dave McCaughan:

Je pense que la plupart des tendances que nous allons voir évoluer sont des tendances sur le long terme, elles vont simplement être accélérées et amplifiées.

Julia Raymond:

C'était donc une tendance qui était déjà présente, et qui s’accélère, c'est ce que vous dites ?

Dave McCaughan:

Oui, de la même façon que l’e-commerce a augmenté, il deviendra maintenant beaucoup plus naturel pour de nombreuses personnes. L'idée de faire vos courses alimentaires hebdomadaires ou quotidiennes en ligne n'avait jamais vraiment fait son chemin, mais maintenant c'est devenu assez facile pour beaucoup de gens où qu’ils se trouvent. Les gens retourneront toujours dans les magasins, mais peut-être pas autant, pas si souvent. Peut-être qu'ils achèteront une plus grande proportion en ligne. Et beaucoup de choses liées au lifestyle. Les changements de long terme que nous avons observés et les prévisions à long terme vont maintenant apparaître au premier plan et s’accélérer.

Cette accélération des tendances et des changements entamés avant le COVID-19 révèle le consensus actuel dans le monde de la technologie. La pandémie ne va pas mettre fin ni même ralentir la transformation numérique. Au contraire, les changements qui se profilaient à l'horizon depuis si longtemps arrivent plus vite que jamais. Si votre marque n'a pas encore commencé à prendre son offre de e-commerce au sérieux, c’est le moment.

 

Découvrez l’interview complète, en anglais, sur le blog Rethink Retail.

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