Comment l’impact du Covid-19 peut renouveler la santé

Lead Business Designer & Futurist
Valtech Health

novembre 17, 2020

À dater du 1er octobre, nous avons dépassé les 33 millions de cas de coronavirus confirmés dans le monde, selon l'université Johns Hopkins. La pandémie sévit dans les quatre coins du globe, et a changé fondamentalement ce que nous considérons comme la normalité. Alors que de nombreux pays se préparent à renouveler leurs stratégies de distanciation sociale en réponse à la deuxième vague de la pandémie, le discours public se concentre maintenant sur ce que deviendra notre nouvelle réalité, et sur nos possibilités d'adaptation.

Pourquoi notre expérience du confinement compte

 

L’être humain est fondamentalement subjectif, plutôt qu’objectif, ce qui rend souvent insignifiante la modélisation analytique du comportement humain. Nous sommes potentiellement aussi irrationnels que raisonnables. L’expérience humaine varie entre de nombreux extrêmes, du soi à l’autre, de l’individu à la société, de l’inné à l’acquis. Elle est difficile à mesurer, sans début ni fin.


Notre façon de vivre ce que nous définissons comme normalité est naturellement ambiguë. La plupart d’entre nous associe normalité aux sentiments de sécurité et de familiarité. La racine latine du mot, normalis, signifie « conforme à la règle, aux normes standard et à l’ordre établi. » La peur de l’anormalité, en revanche, peut déclencher un sentiment profond d’impuissance et de vulnérabilité. Confrontés à des changements profonds, notre réponse instinctive est souvent la peur et l’hypervigilance. Elle nous place dans un état liminal, qui repousse nos limites et met à mal nos systèmes de croyance. Nous sommes, en essence, forcés de repenser ce que nous considérons comme la normalité.

Woman working remotely while watching her toddler.Ce qui est certain, c’est que chacun d’entre nous a vécu une expérience intensément unique et personnelle pendant le confinement dû à la pandémie. Sur le plan individuel, cette expérience façonnera probablement notre futur, avec les souvenirs que nous en garderons, la manière dont nous prévoyons de nous comporter, et la façon dont nous percevrons à l’avenir notre place dans le monde. Sur le plan sociétal, la somme de nos expériences individuelles tissera une réponse collective solide ; une réaction liminale de masse à la vie pendant la pandémie.

L’expérience Covid-19

Entre mars et mai 2020, Valtech a réalisé une méta-analyse de 165 articles choisis, publiés dans 30 médias mondiaux et représentant un large éventail de points de vue d’experts issus de domaines variés tels que l’économie, la sociologie, l’anthropologie, la médecine, l’histoire et la philosophie. Notre objectif était d’identifier les premiers schémas établissant une nouvelle normalité dans la réponse collective à la pandémie. Cette étude a révélé que le Covid-19 a établi une prémisse sans précédent pour la condition humaine, et déclenché un changement fondamental de perspective, du macro vers le micro ; des nations et gouvernements, vers l’individuel et le communautaire. Comme le soutient le philosophe, anthropologue et sociologue Bruno Latour, nous avons prouvé qu’il est possible, en l’espace de quelques semaines, de mettre un système économique en pause, partout dans le monde, système préalablement considéré comme impossible à ralentir ou même réorienter.

Expérience de première vague : absorbation et réflexion

L’expérience de première vague d’isolement imposé nous a offert une pause pour non seulement absorber le danger immédiat de l’épidémie, mais aussi pour réfléchir plus en profondeur à ce qui compte le plus pour nous, et ce que nous sommes prêts à abandonner, en tant qu’êtres humains. Ceci nous a donné l’opportunité de contempler l’importance vitale de la coexistence dans nos vies. Nous nous sommes éloignés, lors d’un bref instant, de notre rôle social pour prioriser notre simple existence. Nous avons traversé une phase de déconstruction, consistant à abandonner des comportements et des modes de pensée obsolètes ; tout d’abord un par un, puis en plus grand nombre, collectivement.

Man working remotely Expérience de deuxième vague : incrédulité systémique

L’expérience de deuxième vague est celle d’une incrédulité systémique. Lorsqu’une crise s’installe, la population cherche habituellement un guide parmi les systèmes piliers de la société, qu’il s’agisse du gouvernement, des corporations ou des institutions religieuses. La réponse de ces piliers consiste généralement à assurer la population que la situation est sous contrôle, et qu’ils utiliseront les moyens à leur disposition pour faire face à la situation tant que chacun persévère dans sa vie quotidienne. La situation du Covid-19 s’est avérée différente. Les niveaux d’impuissance et de manque de préparation systémiques ont été affichés au grand jour. Les individus en position de pouvoir ont dû reconnaître que leurs décisions étaient prises au jour le jour, et que de nombreuses questions resteraient sans réponse sur le court terme. Le premier message communiqué fut : « Nous ne connaissons ni l’origine ni l’étendue de ce virus. Nous n’avons pas de vaccin, ou de traitement à disposition. Pour assurer le maintien du système, chaque individu doit mettre un terme à ses activités quotidiennes et s’isoler pour contenir la propagation du virus. » La réaction collective à ce message fut de questionner la capacité à long terme des sociétés à subvenir aux besoins de leurs habitants.

Expérience de troisième vague : mise en lumière de capacités de préparation et de réponse disparates

L’expérience de troisième vague est que les implications économiques et sociales du Covid-19 révèlent des capacités très disparates de préparation et de réponse. Les plus forts ont de meilleures chances de rester en bonne santé ; les plus faibles sont plus susceptibles de succomber. Les travailleurs peu qualifiés sont plus à risque de perdre leurs emplois, ou de subir une réduction des heures de travail. Les quintiles de revenus les plus bas font partie des groupes les plus désavantagés en matière d’accès adéquat aux soins de santé. Les personnes handicapées et stigmatisées courent un risque accru de développer des maladies graves ou d’être en proie à la détresse émotionnelle. L’effet des déterminants sociaux se voit grandement amplifié, et il y a un risque imminent d’épuisement massif d’une grande partie de la population.

Scénarios : le pire et le meilleur

Notre étude révèle que l’épuisement massif, dans le meilleur des cas, est fortement susceptible d’engendrer des mouvements sociaux remettant en cause les fondations de la société. Les groupes de population deviendront plus indépendants du système, et les communautés dont ils font partie répondront de manière proactive à leurs besoins, basés sur une approche bottom-up. La nouvelle normalité se composera d’agents économiques libres, tels que des tiers responsables, de philanthropes de la santé et de consommateurs demandant à jouir du plus haut niveau possible de cohésion sociale, de qualité de vie et de coexistence environnementale. Ces agents autonomes réorienteront leurs systèmes de croyances, leurs perspectives, leurs actions et leurs résultats en fonction des empreintes laissées par d’autres et en laissant eux-mêmes des empreintes ayant pour but de servir ces autres.

Ceci créera un effet pull massif qui étendra la responsabilité des modèles de protection sociale, des systèmes politiques et éducatifs ainsi que du monde des entreprises. Avec l’auto responsabilisation comme principe directeur, ces agents autonomes demanderont à savoir comment les modèles économiques, la technologie habilitante et les données personnalisées pourront leur permettre de mener une vie plus intelligente, plus saine, et plus significative.


people waiting in lineDans le pire des cas, la pandémie pourrait être cause de vastes troubles civils dans de nombreuses régions du monde. Selon l’IEP (Institute for Economics & Peace), nous nous trouvons à un moment critique de notre histoire. L’impact économique du Covid-19 amplifiera probablement les tensions, en augmentant les taux de chômage, en creusant les inégalités et en détériorant les conditions de travail à un point tel qu’il aboutira à une aliénation du système politique. En fin de compte, nous ferions face à un risque élevé d’effet domino, impliquant que les protestations suscitées par les retombées de la pandémie risqueraient d’aggraver d’autres mouvements sociaux tels que Black Lives Matter.

Le Covid-19, catalyseur d’un schéma similaire pour les MNT

Ça vous dit quelque chose ? Si nous examinons de plus près la prévalence des maladies non transmissibles (MNT) au cours de la dernière décennie, un schéma similaire se dessine. Un nombre croissant d’individus vit pendant de longues périodes avec de multiples maladies chroniques résultant de facteurs comportementaux, physiologiques, environnementaux et génétiques. Un état de maladie grave qui est source d’un isolement accru, et incite des questionnements plus profonds sur ce qui nous importe le plus et ce à quoi nous sommes prêts à renoncer.

Le National Health Service (NHS) au Royaume-Uni a pour ambition déclarée de réformer les soins de santé en construisant un mouvement social capable de placer les capacités de première et de deuxième ligne de soins entre les mains des patients et des citoyens. L’objectif général de ce programme est de renforcer les communautés, d’améliorer la santé et de contribuer à atténuer la demande croissante en matière de soins. En réponse directe à l’augmentation de la charge liées aux MNT, plusieurs des pressions de longue date sur le système de santé sont désormais visibles par tous. Avec une dépense de 10 milliards de livres sterling pour les patients ambulatoires, et une somme similaire pour la santé communautaire, le système politique transfère la responsabilité et les points d’intervention (Point of Care, ou PoC) hors du système.

Les transitions démographique, socio-culturelle et économique rapides entraînent une augmentation spectaculaire du nombre de patients atteints de MNT. Même les programmes de prévention, de diagnostic et de traitement les plus avancés deviennent inutiles lorsque la population est confrontée à l’isolation sociale, à la perte de leur emploi, à l’inégalité des revenus, à une mauvaise alimentation et à la pollution. Les déterminants sociaux sanitaires, au-delà de nuire aux retombées positives, submergent également les prestataires de services de santé.

Tirer profit de l’expérience du Covid-19 pour vaincre les MNT

Un peu plus de six mois après le début de la pandémie, le Covid-19 a déjà fait plus d’un million de morts à travers le monde. Sur un total de 56,9 millions de décès dans le monde en 2016, 40,5 millions (71%) sont dûs aux MNT. La pandémie catalyse une reconception et une régénération de l’impact humain sur Terre. Elle agit également en tant que super-amplificateur des transformations sous-jacentes du paysage sanitaire, qui s’annonçaient déjà. L’effet pull massif forgé par la première, deuxième et troisième vague de la pandémie amplifie un changement de perspective qui aura un impact profond sur le milieu de la santé dans son ensemble. Alors que le paysage sanitaire est en pleine implosion, les acteurs commerciaux doivent repenser leurs rôles et les responsabilités qu’ils sont prêts à assumer.

Un certain temps sera nécessaire pour saisir toute l’ampleur de l’impact de la pandémie sur les personnes atteintes de multiples maladies non transmissibles. Nous savons que les individus souffrants de MNT sont plus susceptibles de tomber gravement malades du Covid-19, et que nombre d’entre eux ne disposent que d’un accès limité aux traitements et aux soins nécessaires. Mais ce tableau, si sombre qu’il soit, pourrait révéler une source d’espoir. Et si cette prémisse sans précédent de la condition humaine et le passage fondamental du macro vers le micro pouvaient nous permettre de construire ensemble un monde plus sain ? Et si nous pouvions apprendre ensemble comment vaincre les MNT en tirant profit de l’expérience du Covid-19 ?


girl looking out a window Selon un récent éditorial du Lancet, le Covid-19 a montré que nombre des outils nécessaires à la lutte contre une pandémie sont également ceux nécessaires à la lutte contre les MNT : surveillance de la maladie, une société civile robuste, communication claire et accès équitable à des systèmes de santé universels solides. Le directeur général de l’OMS a déclaré que « …la pandémie a fait ressortir le meilleur comme le pire de l’humanité. Cette contagion met en évidence les failles, les inégalités, les injustices et les contradictions de notre monde moderne. »

Il n’y a pas de meilleur point de départ que de comprendre comment l’expérience Covid-19 peut être réorientée pour non seulement vaincre les MNT, mais aussi pour éradiquer à plus long terme les inégalités en matière de santé. Les prestataires de soins de santé doivent s’engager dans des coalitions responsables, en fournissant des expériences uniques et personnelles qui produisent des résultats sanitaires positifs à grande échelle. La réaction liminale massive à la pandémie nous offre une occasion unique de transformer notre état moderne de vulnérabilité en un pouvoir de guérison capable de régénérer notre épuisement sous-jacent et de promouvoir la coexistence.

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